La double face des taux ultra faibles

tresorerie entreprise

Quelle attitude adopter dans un contexte de taux particulièrement favorable ?

Gagner de l’argent en s’endettant est désormais une tendance pour les entreprises. En effet, les émissions obligataires à taux négatif de 0,05% lancées par Henkel et Sofia attirent bon nombre de sociétés.

Ces crédits pas chers doivent cependant être abordés en toute connaissance de cause. Entre opportunités à saisir, entretien de bonnes relations et risques surendettement, les directeurs financiers pèsent et soupèsent la stratégie à adopter.

Des banques plus conciliantes

De prime abord, il semble que les banquiers prêtent plutôt pour subvenir aux besoins d’exploitation que pour financer un investissement.

Emmanuel Annebicque, directeur financier de Trenois Decamps, confirme en déclarant que pour la réalisation de certains projets, ses partenaires bancaires lui ont proposé des taux 2,5 fois inférieurs, atteignant en moyenne 0,45%, sur un prêt à taux fixe sur sept ans. Il ajoute qu’en jouant sur la concurrence entre les banques et les crédits-bailleurs, il est parvenu à fixer lui-même le taux à 1,3%.

Philippe Andouin, DAF d’Eurazeo et président de la DFCG, prévient toutefois que les entreprises ne doivent pas succomber aux largesses des banquiers et nuire à la relation qu’elles établissent avec eux.

D’après lui, cette relation se gère et s’entretient dans le temps, il faut créer une atmosphère de confiance qui pourra jouer en sa faveur en cas de crise. Par ailleurs, le directeur financier ajoute que l’endettement pas cher ne doit pas inciter les entreprises à amorcer des projets pas suffisamment viables.

Une rentabilité trompeuse

L’endettement au taux négatifs est une arme à double tranchant. En effet, il est vrai que l’argent emprunté coûte moins cher, mais celui placé par les entreprises avec une trésorerie excédentaire n’est toutefois plus aussi rentable qu’auparavant.

Emmanuel Annebicque rappelle qu’il y a 5 ans, pour des placements à terme, le rendement pouvait atteindre 4 à 4,5%. Aujourd’hui, pour une immobilisation de 3 à 5 ans, on obtient à peine 1,8%. De surcroît, les banquiers commencent récemment à facturer lourdement les dépôts.

Pour remédier à cette faible rentabilité, certaines entreprises sont tentées de se lancer dans des investissements hasardeux. En effet, parce que les banquiers réclament peu de justificatifs attestant de la réalité d’un projet, les responsables financiers empruntent à des taux très bas en arguant le financement d’un quelconque projet.

Ils finissent cependant par placer les fonds obtenus ailleurs, à un meilleur taux. En effet, les directeurs financiers remarquent la résurgence de produits de placement plus rémunérateurs mais plus risqués, ressemblant à ceux qui sont à l’origine de la crise financière de 2008.

Grégory Sanson, directeur financier de Bonduelle, affirme qu’en 2014, pour financer leur besoin en fonds de roulement, ils ont pu renégocier avec leurs banquiers un crédit revolving de 300 millions d’euros afin de bénéficier d’une réduction d’un tiers des marges bancaires. Dans le cadre des prêts rentables mais plus risqués, Mr Sanson conclut en affirmant que « si le directeur financier peut se réjouir, le citoyen, lui, doit s’inquiéter ».

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