Depuis un peu plus d’un an, la fréquentation des ponts de Normandie et de Tancarville a chuté, mettant à mal l’équilibre économique déjà fragile de leur concessionnaire. La CCI Seine Estuaire demande alors le prolongement de son contrat pour compenser les pertes provoquées par la crise sanitaire. L’État y a répondu favorablement.
La crise du Covid-19, qui dure depuis mars 2020, aura décidément marqué profondément toutes les couches de l’économie française et mondiale. Après le sport, l’événementiel, l’immobilier, le tourisme et l’hôtellerie, le service public a aussi souffert de la pandémie, comme en témoigne la situation étriquée dans laquelle se trouve actuellement le gestionnaire des ponts de Normandie et de Tancarville.
Ces grands ouvrages d’art, exploités par la CCI Seine Estuaire, rapportent beaucoup moins depuis le début de la pandémie, alors que dans le même temps, les charges demeurent inchangées. D’importants travaux, prévus dans les prochaines années, rajoutent plus de pression sur les finances du concessionnaire.
La requête formulée par la Chambre de Commerce et d’Industrie Seine Estuaire repose sur une réalité des plus évidentes. Le besoin de trésorerie de l’organisme est énorme dans les prochaines années. Outre les 10 à 15 millions d’euros de travaux d’entretien courant nécessaires chaque année, la CCI doit aussi financer des projets de rénovation évalués à 140 millions d’euros dans les prochaines années. Ces travaux incluent entre autres le remplacement d’une partie des 184 haubans du pont de Normandie.
Selon Léa Lassarat, présidente de la CCI Seine Estuaire, une seule de ces composantes coûte la bagatelle de 1 million d’euros. Elle évoque aussi l’usure du tablier métallique du pont de Tancarville, dont la réhabilitation coûtera quelques dizaines de millions d’euros. Dans ces conditions, le concessionnaire estime que la gratuité du passage sur les deux ponts, demandée par les usagers, est difficilement envisageable.
La CCI s’attend aussi à des changements dans son modèle économique à moyen et long terme, à cause des répercussions financières du Covid-19 sur l’activité des entreprises locales. Même si la probabilité d’une défaillance en cascade reste faible, des opérateurs locaux et régionaux annoncent des plans sociaux, qui impacteront le trafic sur les ponts. Les nouvelles pratiques imaginées par les entreprises, entre généralisation du télétravail et augmentation des déplacements fluviaux et ferroviaires, pèseront aussi sur les coûts de fonctionnement du concessionnaire des ponts de Normandie et de Tancarville.
Important La prolongation de la concession des ponts de Normandie et de Tancarville jusqu’en 2031 au lieu de 2027 donne un peu de répit à leur gestionnaire, endetté à hauteur de 175 millions d’euros.
Cet énorme passif s’explique en partie par la politique tarifaire appliquée sur ces deux ouvrages d’art exceptionnels. Depuis leur construction, ces points de passage sur la Seine ont connu très peu d’augmentation de prix. La dernière révision tarifaire remonte à 1995… Si l’État a refusé le prolongement, les usagers auraient pu subir une hausse des prix pouvant atteindre 30 %. Maintenant, le feu vert du gouvernement doit être validé par l’Union européenne.
Chaque année, ces deux constructions emblématiques de la Normandie accueillent 13 millions d’usagers, soit l’équivalent de 25 000 voitures par jour. En 2020, leur fréquentation a chuté de 30 %, une baisse liée à l’absence de voyageurs étrangers et de véhicules légers sur le pont de Normandie, un important point de passage de touristes sur un grand axe de circulation reliant l’Europe du Nord et les Pays du Sud.