Droit d’entrée : le régime fiscal ne cesse d’évoluer

Gestion de la fiscalité

D’un point de vue fiscal, le pas-de-porte versé au bailleur par le preneur d’un local commercial était considéré comme un supplément de loyer. Seule exception en la matière : le cas où le loyer fixé par le contrat de bail se trouvait être particulièrement bas, et que les clauses contractuelles ainsi que le montant de l’indemnité n’étaient pas contraires à une telle qualification.

Zoom sur les précédentes dispositions

En matière de revenus fonciers assujettis à l’impôt sur le revenu, le droit d’entrée peut, dans ce dernier cas, être assimilé à une indemnité que le preneur verse au bailleur au titre d’une cession d’un élément d’actif commercial ou d’une dépréciation patrimoniale (CE Sect., 24 février 1978, n° 97347).

L’acquisition de la propriété commerciale – c’est-à-dire du droit de disposer d’un local en tant que preneur d’un bail commercial – n’a pourtant pas été reconnue comme un élément suffisant pour considérer le droit d’entrée comme une indemnité au bailleur, et ce, bien que le preneur ait comptabilisé ce pas-de-porte comme un actif incorporel.

Important Ainsi, en matière de TVA et d’impôts directs, c’est le régime fiscal des loyers qui est applicable, ou selon le cas, celui des indemnités.

Dans le cas où le preneur inscrit le pas-de-porte en actif incorporel, le Conseil d’État reconnaît la possibilité pour celui-ci de l’amortir, à condition que le droit d’entrée représente la contrepartie d’un avantage qui n’a aucun lien avec le caractère renouvelable du contrat de bail et dont les effets positifs sur l’exploitation prendront fin à une date connue à l’avance.

Au cas d’espèce, le pas-de-porte peut être considéré comme une rémunération du bailleur contre sa renonciation à la faculté de résiliation du contrat pendant six ans, sauf en cas d’impayés de loyers. La durée d’amortissement du droit d’entrée est ainsi de six années (CE, 15 avril 2016, n° 375796, Société Virojanglor).

Une nouvelle jurisprudence

La récente décision jurisprudentielle de la cour administrative d’appel de Versailles risque pourtant d’être source d’insécurité juridique, en particulier au sujet de la TVA.

Important En effet, la Cour considère la somme versée par le preneur d’un bail commercial au titre d’un pas-de-porte comme la contrepartie d’un droit au bail.

De ce fait, il faut regarder le contrat comme le transfert d’une partie d’une entreprise permettant à celle-ci de poursuivre une activité économique. Comme il n’y a pas transmission de fonds de commerce, la cession est alors réputée inexistante en matière de TVA (article 257 bis du Code général des impôts).

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour s’appuie sur les clauses du contrat de bail, qui qualifiaient de manière explicite le droit d’entrée comme la contrepartie de l’accès à la propriété commerciale, et la comptabilisation, chez le preneur, des sommes ainsi déboursées comme immobilisation. La Cour a donc conclu que le bailleur a eu tort de facturer de la TVA à son preneur. En conséquence, ce dernier ne pouvait la déduire (CAA Versailles, 23 mars 2017, n°16VE00747, SARL Land River).

Cette conclusion de la cour administrative d’appel de Versailles parait toutefois critiquable à plusieurs niveaux.

En effet, elle élargit de manière considérable le champ d’application des mesures prévues par l’article 257 bis du CGI, alors qu’il est difficile de définir les notions de l’universalité partielle ou totale des biens, représentative d’une activité exercée préalablement par le bailleur.

En continuant cette analyse, on peut conclure que les dispositions de l’article 257 bis du CGI seront applicables pour la cession d’un bien incorporel ou corporel dès lors que le dit bien servira à l’exercice de l’activité du preneur. Ce qui est à l’opposé de l’objectif assigné par le législateur pour ce texte.

De manière plus concrète, cette décision va inévitablement générer un contentieux entre preneurs et bailleurs sur l’application ou non de la TVA sur le pas-de-porte. La doctrine et la jurisprudence fiscales sont pourtant claires à ce sujet et appellent très peu de contentieux.

En effet, en fonction des termes du contrat, le choix du preneur d’immobiliser ou non le pas-de-porte, la question de la taxation ou de la déduction en cas de taxation dépendent et pèsent respectivement de manière alternative sur le preneur ou le bailleur, en cas de taxation ou non.

Pour conclure, cette décision quelque peu surprenante mérite confirmation et davantage de précision.

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