Avant de vous lancer dans la signature de l’acte de vente, voire de vous engager à acheter un fonds de commerce auprès du cédant, vous devez en évaluer le prix. Or, c’est une opération complexe ; d’une part parce qu’elle doit prendre en compte des règles de calcul jurisprudentielles précises sur la base d’éléments objectifs ; de l’autre, elle fait intervenir des considérations subjectives liées aux caractéristiques de chaque fonds. Une évaluation rigoureuse est indispensable sous peine de sanctions juridiques et/ou fiscales.
Le plus souvent employé par les experts et les tribunaux, ce mode de calcul est le plus courant. Il consiste à déterminer le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours des trois dernières années d’exploitation et à le pondérer par un coefficient variable selon la nature de l’activité et les spécificités du commerce envisagé.
Le chiffre d’affaires pris en compte est, en principe, le total des recettes incluant la TVA.
Le pourcentage affecté est fixé par des barèmes d’évaluation par profession, et est généralement compris entre 40 % et 100 %. Des barèmes fiscaux indicatifs apportent des précisions sur le mode de calcul préconisé et la valeur moyenne des fonds de commerce pour chaque profession.
En complément, les chambres de commerce et de métiers ou chambres notariales fournissent de plus amples informations concernant les pratiques et usages en vigueur dans chaque localité.
À titre d’exemple :
Cette méthode consiste à calculer le bénéfice réel en reprenant le bénéfice déclaré fiscalement sur les 3 derniers exercices et en lui ajoutant divers éléments déductibles en comptabilité (notamment la rémunération du dirigeant et les charges sociales, les amortissements, les intérêts et agios d’emprunts).
Le résultat est ensuite multiplié par un coefficient qui n’est pas précisé par un barème officiel, mais est déduit d’un diagnostic qualitatif et d’une observation objective du marché. En théorie, ce coefficient multiplicateur varie de 1 à 8 selon la branche d’activité. Mais dans la pratique, selon la localisation et la nature du fonds de commerce à vendre, il est le plus souvent compris entre 3 et 4,5 ou 5.
L’évaluation peut aussi se faire par comparaison, en observant les montants pratiqués sur le marché pour des cessions ou transferts de fonds similaires à celui à estimer, tant par leur nature, leur emplacement, leur chiffre/volume d’affaires, leur état. La complexité de cette démarche réside dans la nécessité d’effectuer la comparaison dans des conditions matérielles, économiques et juridiques d’exploitation suffisamment proches entre les fonds pris comme référence et le fonds visé.
Cette approche utilise les valeurs auxquelles le fonds s’est échangé par le passé, et à les ajuster au moyen de coefficients de correction censés prendre en compte tous les paramètres d’évolution tels que l’inflation et sa commercialité.
Plus rarement, la valeur du fonds de commerce peut être calculée sur la base du loyer ou du prix au mètre carré du local commercial.
NotesSi vous prévoyez de racheter un commerce « multi-activités », vous devrez prendre le chiffre d’affaires généré par chaque activité au prorata de sa part dans le chiffre d’affaires total.
Il devient de plus en plus fréquent lors de l’évaluation d’un fonds de commerce de croiser le chiffre d’affaires et la rentabilité financière de l’activité, approche jugée économiquement plus équitable par certains experts par rapport à celle qui tient uniquement compte du chiffre d’affaires réalisé.
La valorisation du fonds nécessite par conséquent une analyse en profondeur du bilan comptable afin de déterminer précisément la rentabilité financière à mettre en balance avec le potentiel économique.
La principale difficulté de cette méthode porte sur la fixation du coefficient multiplicateur à appliquer à la marge brute d’autofinancement (MBA) ou à l’excédent brut d’exploitation (EBE) ; un problème finalement similaire au choix du pourcentage du chiffre d’affaires à retenir en cas d’utilisation du mode de calcul classique. L’exercice est d’autant plus délicat qu’il existe autant d’activités affichant un chiffre d’affaires faible que d’activités enregistrant des revenus limités, mais qui sont particulièrement performantes.
Une autre difficulté dans le calcul de la valeur d’un fonds de commerce est la recherche des renseignements nécessaires, en l’absence de base de données complète et disponible en la matière, les pourcentages et les coefficients communiqués étant purement indicatifs et résultant d’une étude des pratiques du marché.
En simplifiant, les barèmes les plus élevés s’appliquent aux fonds situés dans des quartiers attractifs et/ou pour des biens à la superficie importante en bon état, tandis que les barèmes les plus faibles sont utilisés pour des fonds localisés dans des zones peu propices au commerce et/ou pour des locaux étroits et en mauvais état. Pour obtenir des chiffres relativement fiables, l’administration fiscale est la principale source valable. En complément, les fédérations professionnelles, les chambres de commerce et de métiers, les chambres notariales ou les experts agréés par les tribunaux fournissent de plus amples informations concernant les pratiques et usages en vigueur dans chaque localité.
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Outre le chiffre d’affaires ou les bénéfices réalisés ces 3 dernières années par l’exploitant précédent, déterminer le prix de la cession du fonds de commerce nécessite aussi de prendre en considération les spécificités du fonds.
Les éléments incorporels ont un rôle essentiel à jouer dans la valorisation d’un fonds de commerce.
C’est sans doute l’élément le plus important du calcul de la valeur du fonds de commerce, puisque sans la clientèle, et les ventes réalisées à cette dernière, le fonds n’existe pas. Au lieu d’une vente de fonds de commerce, l’opération se transforme en une simple cession d’éléments d’exploitation (par exemple le bail). Intéressez-vous également à la fiabilité et à la volatilité de ces clients, et surtout à l’impact possible sur le chiffre d’affaires.
Quand on parle de « bon emplacement », plusieurs critères reviennent régulièrement : artère commerçante, proximité des « locomotives » (supermarchés, grandes enseignes spécialisées), des écoles et des moyens de transport (métro/RER, train, bus, tramway). Mais pour un commerce de détail, en particulier s’il est situé en centre-ville ou dans les quartiers urbains, l’accessibilité ou l’existence de places de parking pour la clientèle est essentielle.
La qualité des agencements et aménagements ainsi que les dépenses qui y sont liées, auxquelles s’ajoute l’efficacité du système de protection et de sécurité, sont nécessaires à la valorisation du fonds de commerce.
Différent de l’enseigne, mais pouvant cohabiter avec celle-ci, le nom commercial est celui sous lequel le fonds de commerce est connu (par exemple le nom de la famille qui a historiquement exploité l’activité). Permettant de caractériser le fonds de commerce, ces deux éléments sont en principe estimés avec celui-ci. Une enseigne nationale ou internationale par exemple doit valoir plus qu’un commerce indépendant.
Les brevets et marques de fabrique requièrent une évaluation distincte puisque la comptabilité de l’entreprise en facilite le calcul. Diverses méthodes permettent d’estimer leur valeur :
Les conditions juridiques et financières du contrat de bail interviennent également dans la valorisation du fonds de commerce, puisqu’elles déterminent la « valeur des murs » : la superficie, la configuration des lieux et leur état, les possibilités d’extension, le pas-de-porte le cas échéant, le règlement de copropriété, etc.
ImportantPour connaître le montant du droit au bail, il faut commencer par déduire le montant du loyer de la valeur locative de marché pour le calcul destiné à héberger le commerce. La différence ainsi obtenue doit ensuite être pondérée par un coefficient d’emplacement sur une échelle de 1 à 12, le maximum s’appliquant aux emplacements de premier choix, par exemple sur les Champs-Élysées.
Le fonds de commerce doit valoir au moins autant que le bail. Dans le cas d’un fonds dépourvu d’une valeur de droit au bail, celui-ci ayant été conclu au prix de marché, la justice l’estime à 35 % du CA total en tenant « compte de la valeur réduite du droit au bail et de l’incidence de cette valeur sur celle du fonds de commerce ».
D’autres éléments sont susceptibles d’influer de manière notable sur le chiffre d’affaires, et par conséquent, sur la valeur estimée du fonds de commerce.
Il faut distinguer la valeur des actifs corporels immobilisés (matériel, outillage) ou circulants (marchandise).
Le matériel et l’outillage indispensables à l’exercice de l’activité font partie du fonds de commerce. Leur valorisation est basée sur leur valeur nette comptable. Si celle-ci est très faible ou nulle, alors que les actifs concernés sont de qualité, c’est leur valeur vénale qui est retenue. Celle-ci est généralement fixée par le marché, comme l’argus pour les véhicules.
Ce sont essentiellement les marchandises en stock. Or, elles ne figurent pas au nombre des éléments constitutifs du fonds de commerce et ne sont donc pas intégrées dans le prix de cession final du fonds et doivent faire l’objet d’une estimation séparée au moment de la vente. La valorisation du stock doit prendre en compte son importance et son rythme de rotation, c’est-à-dire la vitesse à laquelle s’écoulent les marchandises. Concrètement, une décote est appliquée aux marchandises stockées depuis un long moment, le taux de cette dépréciation étant fonction de la nature de la marchandise et de la durée de stockage. De même, le niveau des stocks doit être cohérent avec l’activité normale de l’exploitant. Mais si l’excès de stock résulte d’une difficulté à écouler les marchandises, une décote supplémentaire s’impose. Quelle que soit la méthode retenue par les deux parties afin de servir leurs intérêts respectifs, le prix définitif est fixé après négociation.
Comme dans l’immobilier d’habitation, les prix fluctuent en fonction du rapport entre l’offre et la demande. En période de crise, ils sont orientés à la baisse, mais en cas de reprise du marché, ils remontent aussitôt.
Pour effectuer le diagnostic de l’entreprise à reprendre, un certain nombre de documents sont nécessaires :
L’évaluation d’un fonds de commerce nécessite une réflexion sérieuse et un diagnostic préalable minutieux qui tient compte de toutes les composantes objectives de la valeur de l’entreprise, ses points forts et points faibles et son environnement.
Les barèmes que vous trouverez auprès des organismes officiels, des professionnels de votre secteur ou sur Internet ne sont communiqués qu’à titre indicatif, vous restez libre de convenir d’autres méthodes et éléments de calcul avec le vendeur. D’ailleurs, en cas de litige sur la valeur marchande d’un fonds de commerce, par exemple au moment d’une éviction, la juridiction appelée à statuer multiplie les méthodes de valorisation d’un fonds de commerce ; certaines privilégient la rentabilité ou la marge brute, d’autres considèrent l’excédent brut d’exploitation… au lieu de la seule technique basée sur le chiffre d’affaires.
Ne vous laissez pas influencer par les arguments du cédant, qui a tendance à la surévaluation, son approche intégrant une dimension affective et psychologique importante. De votre côté, les critères fondamentaux doivent être le retour sur investissement et la pérennité de l’activité ; outre le prix de rachat du fonds de commerce, intégrez dans le calcul le coût du financement ainsi que les besoins en fonds propres supplémentaires.
ImportantDemandez-vous également si elle répond à vos objectifs à long terme, notamment après la transmission et le départ de son dirigeant : comment va-t-elle évoluer sur les plans technique, humain, commercial et financier ? Au final, après le calcul, l’appréciation subjective et la négociation, la valeur réelle du fonds est celle que vous êtes disposé à payer, règles précises ou non.
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