En France, les patrons qui ont échoué font souvent face à une double peine. Non seulement ils risquent de se retrouver « ruinés » du jour au lendemain, du fait du principe de non-séparabilité du patrimoine personnel et professionnel du dirigeant d’entreprise. Mais en plus ils peuvent traîner cet échec comme un boulet, puisque le Code du commerce interdit à un entrepreneur en liquidation judiciaire d’exercer une activité indépendante. Mais les choses pourront bientôt changer.
En phase avec la vision d’Emmanuel Macron, la France s’est dite prête à soutenir la « nouvelle approche européenne en matière de défaillance et d'insolvabilité des entreprises » présentée par la Commission Européenne en novembre 2016, et dont l’entrée en vigueur est prévue en juin prochain. C’est donc un changement de cap radical pour un pays où l’échec est encore stigmatisé comme une faute ou un manque de compétence.
Important Concrètement, cette nouvelle orientation démontre la volonté bien que tardive de la France à reconnaître les cycles de vie de nos entreprises, à comprendre que la structure du tissu économique n’est pas figée, mais qu’au contraire il est prompt à de renouvellement régulier, et surtout à passer d’une stratégie axée sur l’emploi à court terme à celle basée sur l’emploi durable et pérenne.
Les statistiques sont d’ailleurs éloquentes. Sur 10 entreprises françaises faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, plus de 8 d’entre elles (85 %) tombent en faillite au bout de cinq ans. Aux États-Unis, le taux d’échec du Chapter 11 après cinq ans est considérablement plus faible (18,5 %).
Si cette orientation venait à se confirmer, cela obligerait les banques à revoir de fond en comble leur approche du financement de l’entreprise. En effet, habitués à voir les droits des créanciers bafoués en procédure collective, les établissements bancaires ont inventé de nombreux modes de financement contraires aux règles régissant les procédures collectives, dont le crédit-bail.
Important Aujourd’hui encore, lors de la création d’une entreprise, peu importe l’apport personnel du créateur, les banques exigent généralement une caution ainsi qu’une garantie financière, ce qui oblige à « geler » inutilement une partie des sommes consenties par le banquier sur un compte bancaire.
Une fois l’entreprise entrée dans la phase d’expansion, plus ses besoins en fonds de roulement augmentent, plus le niveau de garantie (financière ou personnelle) demandée par la banque est important, quel que soit le degré de rentabilité de la société.
Les banques doivent alors prendre conscience qu’en cas d’adoption de ces nouvelles règles européennes, le tribunal ne pourra plus leur imposer une procédure de redressement judiciaire.
Dès lors, elles seront bien obligées de se doter à nouveau d’équipes d’analystes-crédits (un service qui a disparu pour les petits débiteurs), afin de statuer en pleine conscience du sort de la société en cas de défaillance.